La cigarette électronique pourrait-elle être prescrite par les médecins français ?
EVA HAMBACH / AFP
SUR ORDONNANCE – Au Royaume-Uni, les fabricants de cigarettes électroniques peuvent désormais soumettre leurs produits aux autorités sanitaires afin qu’ils soient homologués, puis éventuellement prescrits par les médecins. La France pourrait-elle en faire de même ? On fait le point.
Léa Coupau – Publié le 6 novembre 2021 à 16h30
Vapoter sur ordonnance pourrait bientôt être possible chez nos voisins britanniques. Ainsi, fin octobre, l’agence de règlementation des médicaments et des produits (MHRA) du Royaume-Uni a mis à jour ses directives, donnant le feu vert aux fabricants pour soumettre leur “e-liquide” aux mêmes processus d’autorisation que les médicaments, expliquait le ministère britannique de la Santé. En cas d’homologation, l’agence de la santé publique (NHS) pourrait ensuite autoriser les médecins anglais à prescrire la cigarette électronique pour les patients qui souhaitent arrêter de fumer.
Une première mondiale. Car si la vapoteuse est en vente légale partout à travers le globe – hormis quelques rares exceptions comme le Brésil ou le Qatar -, aucun pays ne la considère encore comme un dispositif médical. De quoi donner des idées à la France ?
La cigarette électronique, une arme pour arrêter de fumer
L’Hexagone compte aujourd’hui près de 17 millions de fumeurs, dont 1,7 million de vapoteurs, selon franceinfo. Mais depuis quelques années, le nombre de personnes accros à la nicotine tend à diminuer, notamment grâce à la cigarette électronique. Entre 2010 et 2017 par exemple, près de 700.000 consommateurs ont réussi à arrêter de fumer par ce biais, nous apprend le baromètre de Santé publique France (SPF) publié en 2019.
Un chiffre révélateur pour le professeur Bertrand Dautzenberg, tabacologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière de Paris, qui salue ces “e-cigarettes”, arrivées sur le marché français il y a plus de 15 ans. “C’est le premier produit utilisé par les Français pour sortir de leur addiction et on le sait, ça fonctionne. D’autant qu’ils ne la fument pas toute leur vie. Vous avez plus d’ex-vapoteurs et d’ex-fumeurs aujourd’hui que de vapoteurs”, souligne-t-il.
Vapoter représente dix millièmes, voire cent millièmes, de ce qui existe dans le tabac- Pr. Bertrand Dautzenberg, tabacologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière de Paris
Pourquoi un tel succès ? “L’addiction se voit dans la biologie, mais aussi dans le comportement. Beaucoup de fumeurs sont dépendants de la nicotine et de l’ambiance, du geste”, explique le professeur Amine Benyamina, chef de service psychiatrie-addictologie hôpital Paul Brousse. “Avec ce dispositif, vous retrouvez les deux indissociables du fumeur tout en limitant les risques du tabac.”
Reste alors simplement à “bien doser” le taux de nicotine pour ne pas à avoir à cumuler les deux types de cigarettes, avertit le professeur Dautzenberg. “Cela fait dix ans qu’on connaît les effets secondaires de l”e-cigarette’ et ce qu’on observe, c’est qu’une immense majorité arrête de fumer grâce à elle.” Le spécialiste ajoute d’ailleurs qu’en ce qui concerne les produits nocifs, “vapoter représente dix millièmes, voire cent millièmes, de ce qui existe dans le tabac.”
Prescription impossible, mais…
Mais pour les deux médecins, il est pour l’heure impossible qu’elle soit rendue prescriptible dans les cabinets médicaux de l’Hexagone. “C’est un coup de communication pour les fabricants de cigarettes électroniques, mais une non-nouvelle. Il n’y aura pas de produits homologués en France.”
“Dans l’absolu pourquoi pas, mais encore faut-il qu’on arrive à imposer le sujet dans le débat politique”, nuance de son côté le Pr Benyamina. Seul écueil tout de même, selon lui, “avec la prescription, on n’atteindra pas toutes les populations cibles”, explique-t-il en listant ceux qui, comme les psychologues, ne pourront pas en faciliter l’accès.
Pour l’heure, même si la prescription est loin d’être autorisée, le Pr Dautzenberg recommande déjà les cigarettes électroniques pendant ses consultations. “Beaucoup de centres de santé, d’hôpitaux, d’associations le font déjà. Pour ma part, j’en ai distribué 500 à 1000 à des polyconsommateurs pour qu’ils arrêtent”, assure-t-il, parlant dans ce cas de “conseil thérapeutique”.